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La grande grève de 1895

 17 mai 1895 : début de la grande grève de Champagnac, un événement qui fut le plus long mouvement social que connut le Cantal à une époque où la lutte syndicale était en plein développement. Le mouvement ouvrier apparut dans le pays au XIXe siècle en réaction à son industrialisation et à la paupérisation de la population était en effet particulièrement fort en France et celle-ci était ainsi traversée par de nombreux mouvements sociaux, tels que les grèves de Carmaux de 1892-1895 qui furent particulièrement remarquées. Cette lutte avait d'ailleurs pu se développer grâce à l'obtention du droit de grève en 1864 et la légalisation des syndicats en 1884. C'est dans ce contexte qu'un syndicat se forma en octobre 1894 au sein des houillères de Champagnac qui étaient le principal bassin minier - et le seul de charbon - du département du Cantal et qui connaissaient un important essor depuis 1882. Ce syndicat avait notamment lancé une grève le 1er mai 1895 pour exiger la très revendiquée journée de 8 heures dans les chantiers les plus pénibles, mais également de meilleures rémunérations. Ce premier mai avait été un succès malgré les menaces de la direction de la mine et le travail reprit donc, malgré des tensions qui restaient vives. C'est ainsi que la sanction d'un mineur qui avait quitté son poste en avance pour se rendre à un enterrement fit immédiatement réagir ses camarades qui se mirent de nouveau en grève à partir du 17 mai 1895.

La grève des mines de Champagnac s'étendit rapidement et c'est ainsi que seules quatre-vingts personnes se présentèrent à la mine sur les plus de cinq cents y travaillant, tandis que les autres portaient leurs revendications. La grève dura et fit l'objet d'une solidarité locale mais aussi nationale avec les prises de positions de plusieurs militants socialistes, dont le député Jean Jaurès (1859-1914) lui-même, et de nombreux articles de presse qui aident, avec les rapports de la préfecture, à bien connaître ces événements. Cette solidarité s'exprima également par l'envoi de vivres qui aidèrent les grévistes à tenir les longs mois de lutte malgré les pressions et la pauvreté. La commune de Champagnac était en effet occupée par l'armée avec soixante-dix gendarmes et un demi-escadron de dragons et plusieurs grévistes furent même arrêtés pour outrages à agent ou pour des altercations avec des non-grévistes. Les autorités, que ce soit les élus ou la préfecture, tentèrent de jouer un rôle de médiateurs entre les grévistes et la direction afin de trouver un terrain d'entente, mais sans grand succès jusqu'au mois d’août.

La grande grève de Champagnac se termina finalement au bout de trois mois lorsque les mineurs grévistes reprirent le travail après avoir obtenu en partie satisfaction avec la journée de 8 heures dans les chantiers les plus exposés. Mais la situation ne s'améliora pas car la compagnie licencia plusieurs grévistes dont elle souhaitait se débarrasser, et le syndicat en sortit donc très affaibli tandis que les mineurs étaient mentalement ruinés par l'affrontement avec la direction. C'est pourquoi il fallut attendre de nombreuses années pour qu'un nouveau mouvement de grève ne se déclenche localement en 1913, avant de s'accélérer après la Première Guerre mondiale, alors que les tensions entre anciens grévistes et anciens non-grévistes restaient vives. Jusqu'à présent intransigeante, la direction avait fini de son côté par faire quelques concessions car elle devait renégocier plusieurs contrats en septembre et elle craignait que la poursuite de la grève ne les lui fasse perdre.

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